Dans le paysage numérique de la santé, l’interopérabilité nationale est déjà un défi pour de nombreux médecins libéraux. Mais l’arrivée de l’EHDS (Espace Européen des Données de Santé) marque un tournant majeur : les frontières nationales ne suffiront plus. Ce règlement européen, entré en vigueur en mars 2025, va imposer de nouvelles obligations techniques, juridiques et organisationnelles aux acteurs de santé, y compris aux médecins de ville. Dans cet article, nous allons explorer ce que l’EHDS change concrètement pour vous, les enjeux à anticiper, et les actions à mettre en place dès maintenant.
1. Qu’est‑ce que l’EHDS ? (Définition & principes)
1.1. Le règlement EHDS en bref
Le règlement (UE) 2025/327, publié le 5 mars 2025, instaure l’Espace Européen des Données de Santé. Il est entré en vigueur le 26 mars 2025. L’objectif : créer un cadre commun pour l’accès, l’échange et la réutilisation des données de santé au sein de l’Union européenne.
1.2. Usages primaires et secondaires
– Usage primaire : échange de données pour les soins, la continuité des soins et le suivi du patient.
– Usage secondaire : réutilisation des données de santé pour la recherche, l’innovation, les politiques publiques.
1.3. Principes clés
- Droit du patient sur ses données : accès, portabilité, consentement, refus (opt‑out).
- Garantie d’un cadre sécurisé et harmonisé pour les échanges transfrontaliers.
- Interopérabilité et normes techniques obligatoires pour les systèmes de dossiers de santé électroniques (EHR).
2. Cadre juridique & chronologie de mise en œuvre
2.1. Dates à retenir
- 26 mars 2025 : entrée en vigueur du règlement EHDS.
- 2027 : phase de mise en œuvre pour les premiers actes d’échange (résumés de patient, prescriptions, etc.).
- 2029 : extension à d’autres catégories (imagerie, résultats de laboratoire, comptes rendus de sortie).
- 2031 et au‑delà : intégration progressive des données génomiques, dispositifs médicaux connectés, etc.
2.2. Actes d’exécution et textes secondaires
Le règlement pose les principes, mais les détails seront précisés par des actes d’exécution à venir (spécifications techniques, modalités nationales). En France, une concertation publique est ouverte pour adapter le cadre législatif national à l’EHDS.
3. Obligations et impacts pour les acteurs de santé (et pour les médecins libéraux)
3.1. Pour les éditeurs / fabricants de systèmes EHR
- Obligation de conformité aux normes d’interopérabilité EHDS.
- Certification ou marquage (CE) des logiciels selon les exigences EHDS.
- Documentation technique, obligations de mise à jour, sécurité renforcée.
3.2. Pour les médecins / cabinets libéraux
- Échange et accès aux données autorisées (résumés patient, prescriptions, résultats d’examens).
- Respect des droits du patient : consentement, accès, refus, transparence.
- Adaptation des processus internes : sécurisation, gouvernance, formation.
- Intégration des applications de santé conformes.
3.3. Pour les patients
- Droit d’accès et de contrôle sur leurs données à l’échelle européenne.
- Partage des données transfrontalier sous certaines conditions.
- Possibilité de refus de réutilisation secondaire (opt‑out).
4. Enjeux techniques & interopérabilité dans le contexte EHDS
4.1. Formats et normes obligatoires
Utilisation de profils standardisés (ex : version européenne de FHIR) pour l’échange de données. Les systèmes EHR doivent s’y conformer.
4.2. Infrastructure européenne
- MyHealth : infrastructure pour l’échange de données entre États membres.
- HealthData : plateforme pour la réutilisation secondaire (données pseudonymisées).
4.3. Défis avec les systèmes existants
- Logiciels anciens, hétérogènes, non conformes.
- Complexité de la sémantique (codages, vocabulaire commun).
- Migration technique et accompagnement humain nécessaires.
5. Opportunités et bénéfices attendus pour les médecins libéraux
5.1. Coordination des soins européens
Un patient traité à l’étranger peut transmettre ses données médicales en toute sécurité.
5.2. Réduction des doublons et coûts
Moins d’examens répétés, plus de pertinence dans la prise en charge.
5.3. Accès à la recherche et à l’innovation
Participation à des projets ou accès à des données pseudonymisées.
5.4. Valorisation du cabinet
Image de modernité, attractivité pour les patients et partenaires.
6. Obstacles & risques à anticiper
- Coûts de mise en conformité (logiciels, formation).
- Résistance au changement.
- Disparités entre États membres.
- Complexité juridique (souveraineté, hébergement).
- Sanctions prévues en cas de non‑conformité.
7. Recommandations & actions concrètes pour se préparer
- Audit de vos outils actuels.
- Plan de migration ou adaptation à moyen terme.
- Choix d’un éditeur compatible EHDS.
- Formation et sensibilisation de l’équipe.
- Participation à des tests européens.
- Veille juridique et technologique continue.
Conclusion
L’EHDS n’est pas un simple projet théorique. Il transforme la manière dont les données de santé circulent, s’utilisent et se protègent en Europe. Pour les médecins libéraux, se préparer aujourd’hui, c’est garantir la conformité demain, mais aussi saisir une opportunité d’innover, de mieux collaborer et d’offrir une prise en charge plus fluide au patient.
FAQ – Vos Questions sur l’EHDS
1. Quel est le calendrier précis pour les médecins français ?
Les obligations EHDS commenceront à s’appliquer progressivement à partir de 2027.
2. Que faire si mon logiciel n’est pas compatible ?
Demander à l’éditeur une feuille de route, envisager un adaptateur ou un remplacement.
3. Le patient peut‑il refuser le partage de ses données ?
Oui, via un dispositif d’opt‑out qui sera prévu dans chaque pays.
4. Toutes les données médicales sont‑elles concernées ?
Oui, mais en plusieurs phases échelonnées jusqu’en 2031.
5. Quels coûts prévoir pour un cabinet ?
Ils dépendent de la situation initiale : audit, mise à jour, accompagnement, formation.



